Wonder Wheel
Date de sortie 4 Juillet 2018 (1h 41min)

 

Genre Drame
Nationalité américain

 

Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l’effervescence du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses.

Drame poignant d’une existence ratée, spectacle de cinéma total où la délicate photographie, les décors majestueux et les acteurs au diapason, sont célébrés avec maestria, Wonder Wheel est encore un grand film sur les femmes par le désormais pourtant très contesté Woody Allen, qui n’en demeure pas moins l’un des plus grands artistes du XXe siècle, certes, mais également, et on ne le dira pas assez du XXI siècle, puisqu’il célèbre ici son 18e long métrage depuis l’an 2000 ! Chapeau bas.L’argument : Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l’effervescence du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses.Notre avis : Doit-on jeter l’opprobre sur maître Allen ? Les accusations sont graves et loin de nous la volonté de les minimiser, mais à notre niveau, nous laisserons les tribunaux de justice faire leur boulot, avant de se laisser tenter par une vocation émotionnelle de juge dans une affaire familiale que nous ne maîtrisons sûrement pas.
Le 18e film de Woody Allen pour ce XXIe siècle, lui, ne fait aucun doute. A quatre-vingt-deux ans, le cinéaste, éternellement revigoré par la fraîcheur de son cinéma, déborde d’inspiration et réussit encore une fois l’exploit de se renouveler, avec un nouveau portrait de femme des plus équilibrés, et donc des plus pertinents. La romance est ici dramatique, avec ses airs de films d’époque ou les gangsters font irruption, comme dans certains classiques du monsieur.
Son portrait d’une épouse dépressive dans l’Amérique idyllique des années 50, qui respire un bonheur technicolor, ne se veut pas être une diatribe virulente à l’égard d’une époque, ni un portrait lisse d’un femme bonne dans un monde qui ne lui laisse aucun autre choix que d’en être l’inéluctable victime. Et pourtant, le synopsis vibre bien d’une fibre féministe éloquente alors que l’auteur qui aimait les femmes affronte le courroux de ces dernières, y compris celui de ses propres interprètes, Kate Winslet, par exemple, révélant deux jours avant la sortie française de Wonder Wheel, regretter certains choix de carrière et certaines rencontres cinématographiques. La dame a joué chez Polanski, chez Allen et les remises en question sont donc légitimes, dans le contexte actuel. D’autres l’ont précédée : Greta Gerwig, Rebecca Hall, Ellen Page…Pour notre part, on ne regrettera en rien le choix de casting de Kate Winslet. En la star de Titanic, Allen choisit une carte maîtresse, un jeu total, tout en subtilité, capable de témoigner des différentes facettes de l’âme humaine. La comédienne trop souvent abonnée aux rôles bourgeois, investit cette fois-ci la classe moyenne inférieure, prêtant ses traits à une comédienne ratée, serveuse dépendante de son époux pour qui elle a perdu la flamme. Elle campe donc le stéréotype de la victime éprouvée par le fil conducteur d’une vie déçue et sans issue reluisante. Toutefois, la femme est ici aussi actrice de ses erreurs, Kate Winslet pare aussi son personnage d’une colère assourdissante et d’une jalousie qui la pousse à des crises peu reluisantes et à des décisions fatales. Son amour passionnel et adultère pour son jeune amant, joué par Justin Timberlake, dont Winslet écrase littéralement le jeu fade, a irrémédiablement une dimension tragique, antique et shakespearienne, entre les personnages de Médée et de Lady Macbeth, sans toutefois se résigner aux sombres desseins de ces deux comparaisons, car après tout, Allen, fin psychologue, sait aussi approfondir ses douleurs pour également dégager le meilleur et l’universel de ce personnage passionnant.
Avec son décor et sa photographie qui convient à des rêves de cinématographies délicieusement datées, la petite musique de maître Allen résonne avec force à nos oreilles. En fin de carrière probable de par son âge, et des difficultés de financements et de distribution auxquelles il va être confronté à l’avenir, Allen livre une nouvelle oeuvre majeure dans une filmographie de quarante-six films et des poussières sur plus de cinquante ans. Tout simplement une carrière à la Alfred Hitchcock, ni plus ni moins, dans des univers pourtant diamétralement différents.